Qu'est-ce ?
Manifeste : déclaration publique par laquelle on expose un programme ou une position, le plus souvent politique ou esthétique.

MANIFESTE " est un meuble et sujet de diplôme visant à promouvoir l’usage de l’Outil, inviter les gens à porter un autre regard sur l’artisanat, et transmettre des valeurs telles que celles du Slow-Made. En d’autres mots, ce meuble véhicule les valeurs et convictions de son créateur et concepteur, telles que la décroissance, la consommation raisonnée et l’artisanat durable. Ce meuble, déclaration matérielle ouverte à tous, ne pouvait trouver un autre nom que celui deMANIFESTE ".


Par qui ?
Étudiant en "Diplôme des Métiers d'Art, option décors et habitat, spécialité ébénisterie", Vincent TRISTANT est issu d'un Bac Professionnel en menuiserie. Vivant dans un milieu rural, proche du patrimoine et de l'histoire, il s'intéresse de près aux traditions locales, aux arts populaires et à l'évolution des outils corrélativement à l'évolution de la société et des métiers. A ses yeux, la main vaut plus que le numérique.

Images : n°1 - Lors des journées de résolutions techniques (image de Nicolas GRENAUT) ; n°2 - Sortie matériaux, quelques plateaux de frêne (image de Nicolas GRENAUT)

Pourquoi ?
Aujourd'hui, il est plus simple, semble t-il, d'aller dans une grande surface ou chez un des leaders du mobilier en kit pour se meubler. Moins cher, choix plus large ... Or, ce genre de mobilier est réputé comme étant du "consommable". Il semble loin le temps où la même armoire servait à 3 générations successives.

MANIFESTE ", invitant le public à se questionner sur l'artisanat, pourrait également inciter les gens à privilégier le travail des artisans afin de produire des meubles uniques, propres à chaque demandes, et d'une qualité de réalisation remarquable. L'ébénisterie contemporaine ne pourrait-elle pas répondre à ce besoin de diversité tout en respectant les valeurs du travail bien fait ? De plus, en restant dans des prix abordables ? Le mouvement "Slow-Made" va dans cette direction.


Cahier des charges ; Usages
Dans la lignée du meuble cabinet, MANIFESTE " doit présenter des outils propres à l’ébénisterie et communs à bon nombre d’artisans.
Dissociable, modulable, il doit pouvoir être déplacé sur salons et expositions afin de toucher un plus vaste public. Les caissons, encastrables dans les piétements, permettent un accroissement de mobilité et une aisance de transport. Les réceptacles à outils prennent place, lors des présentations, au sommet du meuble. Une mise au pinacle afin de mettre en valeur leur contenu.

De plus, les petits "tiroirs" peuvent potentiellement recevoir des échantillons de matériaux, moulures, finitions, etc ... afin de mettre en exergue la diversité qu'offrent la Matière et le métier d'ébéniste.


Recherches formelles​​​​​​​
La forme actuelle est le fruit d'une recherche par croquis, maquettes et modélisations 3D, jusqu'à arriver à la forme hexagonale. Ce choix formel fait référence à la France, surnommée "l'Hexagone". Il invite le spectateur à se questionner sur le patrimoine et choisir l'artisanat local.

Un métier artisanal, c'est une structure, une lente construction de savoirs-faire, nous offrant aujourd'hui de solides fondations pour exceller dans ces divers domaines. Le meuble " MANIFESTE " prend donc un aspect architectural pour accueillir un des vecteurs de cette évolution, l'Outil. Enceinte, piliers, cœur central, charpente ... Un simulacre de Panthéon pour la sacralisation des outils.


Les matériaux
Les matériaux composant le meuble sont choisis selon plusieurs critères et valeurs. Le frêne et le hêtre sont des bois que l'on retrouve dans le domaine des outils et de l'artisanat, par exemple le frêne est utilisé pour les manches d'outils "de frappe" tels que les haches et les pioches, et le hêtre est utilisé pour les manches d'outils "de paume", comme les ciseaux à bois par exemple. De plus, beaucoup d'établis sont fait en hêtre. D'autre part, l'auteur de ce projet a commencé à pratiquer en Bac Professionnel menuiserie en s'exerçant sur du frêne. C'était donc un symbole que de réemployer cette essence.

Pour ce qui est du frêne brûlé sur l'extérieur des piétements, il représente l'adaptation et l'appropriation de techniques au profit du métier, mais également, par le biais du contraste généré, la part d'ombre et de "mystère" dans laquelle baignent les métiers de l'artisanat, et qui pourtant brillent d'ingéniosité et de clarté vu de l'intérieur.

Le liège expansé aggloméré intégra le projet pour répondre à une nécessité de légèreté dans les tiroirs. De plus, il répondait à des critères écologiques (matériau 100% naturel et renouvelable, expansé par étuvage, sans liant chimique) et esthétiques. Effectivement, l'aspect sombre obtenu par l'expansion fait un rappel à l'extérieur brûlé du piétement. Cette noirceur permet également de faire "ressortir" les outils et les couleurs claires de ceux-ci (acier, aluminium ...).


Images : n°1 - Pièces de frêne brûlées ; n°2 - Un des essais de carbonisation ; n°3 - Pièces de frêne fraichement corroyées ; n°4 - Test d'usinage sur bloc de liège expansé ; n°5 - Bref récapitulatif, sans oublier le hêtre !

Le meuble

La technique
Les techniques traditionnelles sont privilégiées. De ce fait, aucune pièce n'est réalisée par CNC (défonceuse numérique). Pourtant, il y a un nombre non négligeable de pièces identiques. Des montages d'usinages, permettant de réaliser et reproduire à l'identique des séries de pièces en employant des machines "traditionnelles" telles que la toupie, furent mis à l'honneur, même si les pièces ainsi usinées nécessitent des retouches par le biais d'outils manuels. De plus, ces montages d'usinages sont eux-même réalisés grâce à des outils manuels. C'est un cycle. La boucle est ainsi bouclée !

Pour la "charpente" interne au caisson, afin de respecter chaque angle, chaque espacement, le choix fut pris de réaliser une épure, un tracé modèle permettant de reporter les côtes sur les vraies pièces.

Images : n°1 - Usinage à la toupie (image de Nicolas GRENAUT) ; n°2 - Outil "multipente" pour toupie ; n°3 - Montages d'usinage

La fabrication (ou presque ...)
Au début du mois de mars, la fabrication commençait, et les premières séries de pièces en frêne brûlé voyaient le jour. Quelques usinages à la toupie eurent lieu, les montages d'usinage tremblaient d'impatience, et le bois déjà débité n'attendait que d'être mis à profit alors qu'il était sagement stocké auprès de l'établi.
Cependant ... le Covid19 vint bousculer tout les plannings, chassant les étudiants de DMA loin de leur lycée, loin de leurs établis, loin de la fabrication de leurs projets de synthèse ...

Images : n°1- Séries de pièces brûlées ; n°2 - A l'atelier (image d'Archibald SIMON) ; n°3 - Pièces de hêtre stockées ; n°4 - Ciseaux à bois ; n°5 - L'établi au moment du départ en confinement

La fin ?
La fin, oui. Mais la fin du commencement ! Vincent TRISTANT, il voulait le réaliser, son projet. Pour officialiser son passage du menuisier à l'ébéniste, pour mettre en relief ses convictions, pour affirmer ses idées. Cette fin de diplôme a donc quelque chose de relativement décevant.
Alors, pour ne pas rester sur sa faim et partir dans le monde du travail en mettant de côté ses valeurs, Vincent décide tout bonnement de créer son entreprise, " Manufacture TRISTANT " ! Ses convictions, ses idées, son manifeste vont en quelque sorte prendre une autre forme, toute aussi concrète ...

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